ATAD 3 - Sociétés écrans: Amendements du Parlement UE (vote du 17/01/2023)

Analyse complète des amendements votés

ATAD 3 - Sociétés écrans: Amendements du Parlement UE (vote du 17/01/2023)

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1. RAPPEL: LES ENTREPRISES DONT LA SUBSTANCE N'EST "PAS SUFFISANTE" SONT DANS LE VISEUR

La proposition de Directive ATAD 3 vise les entités ayant des activités transnationales, mais dotées de (trop) peu de substance (ci-après « sociétés-écrans »), dans le cadre de la lutte contre la fraude ou l’évasion fiscale. La proposition de Directive énumère différents critères de substance qui doivent permettre de déterminer si une entreprise qualifie, ou non, de société-écran.

Le cas échéant, la société-écran pourrait être soumise à des obligations déclaratives, engendrant un échange automatique d’informations entre États membres, et pouvant aboutir des sanctions. Très schématiquement, le processus analytique d’ATAD 3 peut être illustré comme suit :

*Nous renvoyons à notre lettre d’information du mois de février 2022 pour de plus amples informations : ici.

Comme nous vous l’indiquions dans notre lettre d’information de juillet 2022 (ici), le comité des affaires économiques et monétaires du Parlement européen soutenait la proposition de Directive, avec certaines propositions de modifications. Ses travaux avaient fait l’objet d’un projet de rapport. Dans le prolongement de ce rapport, le Parlement européen s’est prononcé le 17 janvier 2023 quant à la proposition de Directive, proposant de multiples amendements. Il appartient maintenant au Conseil de l’UE d’adopter le texte.

Nous résumons ici les principales précisions et amendements suggérés par le Parlement européen (texte identifiant les modifications disponible ici).

2. MODIFICATIONS PRINCIPALES DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

2.1 Abaissement des seuils des sociétés-écrans "à risque"

Pour rappel, les critères initiaux pour déterminer si une société-écran est à risque étaient les suivants :

  • Plus de 75% des revenus de la société écran au cours des 2 dernières années sont des revenus passifs considérés comme « à risque » (ex : revenus d’actions, de prêts, de propriété intellectuelle, d’assurances, de prêts, de biens immobiliers, d’activités financières, de services externalisés auprès d’entités liées, etc.);
  • Au moins 60 % des revenus « à risque » sont perçus ou versés par le biais de transactions transfrontalières, ou plus de 60 % de la valeur comptable des biens immobiliers ou autres biens de grande valeur (> 1m€) sont situés à l’étranger au cours des 2 dernières années ;
  • Externalisation de la gestion des opérations quotidiennes, ainsi que du processus décisionnel lié aux fonctions importantes au cours des 2 dernières années. 

Le parlement européen précise qu'il s'agit de critères cumulatifs et diminue désormais certains seuils pour atteindre plus d'entreprises: 

  • le seuil visé au point a) (revenus à risques) passe de 75% à 65%
  • les seuils visés au point b) (revenus transfrontaliers ou actifs spécifiques situés à l'étranger) passent de 60% à 55%.

Pour le surplus, le Parlement précise que l'externalisation des fonctions visée au point c) doit être faite auprès d'un tiers (sans préciser ce qu'est un tiers).

2.2 Révision des critères de substance

Les entités « à risque » doivent compléter annuellement une déclaration afin de déterminer si ces entités disposent de suffisamment de substance sur la base de différents critères. r Le Parlement européen a apporté les modifications suivantes à ces critères :

  • L’exigence relative aux locaux 

Un des critères de la déclaration de substance des sociétés-écrans à risque concerne l’existence d’infrastructures dans l’Etat membre. La Parlement européen précise que l’appréciation de ce critère doit tenir compte de la circonstance que le télétravail devient une réalité et que certains contribuables pourraient réduire la taille de leurs infrastructures pour cette raison.

Ensuite, le Parlement européen ajoute que les locaux partagés avec « des entités du même groupe » sont des infrastructures éligibles (ce qui n’était pas le cas dans la proposition de Directive à l’origine).

  • Un compte de monnaie électronique est également accepté

Le Projet de Directive initial reprenait comme critère de substance l’existence d’un compte bancaire actif et propre dans l’UE. Désormais les comptes de monnaie électronique seront également éligibles. Ces comptes devront cependant être utilisés pour la réception des revenus à risque.

  • Allègement des prérequis pour les dirigeants et employés de l'entreprise

Le Parlement européen supprime deux exigences ayant trait aux dirigeant (critère d’indépendance) et employés (critère de résidence et de distance) de l’entreprise, allégeant ainsi légèrement la preuve de l’existence de substance.

  • Informations additionnelles à communiquer avec la déclaration des critères de substance

Désormais, les contribuables concernés devront également communiquer de nombreuses informations complémentaires sur leur organisation interne dont :

o   une vue d’ensemble de la structure de l’entreprise et des entreprises associées et les éventuels accords d’externalisation significatifs, et

o   un rapport de synthèse des pièces justificatives communiquées.

2.3 Nouveau délai pour renverser la présomption de substance insuffisante

Le Parlement européen introduit un délai maximum dans lequel l’Etat membre doit se prononcer sur une demande de renversement de présomption de substance insuffisante :  9 mois à compter de la présentation de la demande. En l’absence de réponse dans le délai, la demande est réputée acceptée.

2.4 Santions accrues et nouvelles obligations pour les Etats membres

  • Absence de latitude laissée aux Etats membres

Les Etats membres seront obligés de refuser la délivrance d’un certificat de résidence en vue d’une utilisation en dehors de l’Etat membre. Plus aucune latitude ne leur est laissée.

  • Accroissement des sanctions en cas de fausse déclaration ou d’absence de déclaration

La principale sanction pécuniaire qui s’élevait à 5% du chiffre d’affaires de l’entreprise est réduite à 2% des « recettes » en cas de déclaration tardive, mais majorée à au moins 4% des recettes en cas de fausse déclaration. Par ailleurs, les entités ayant peu de recettes peuvent désormais être imposée sur le total de l’actif de l’entité (à la manière d’un impôt sur la fortune).

2.5 Maintien de la date d'entrée en viqueur : pour 2024 en principe

Le parlement européen n'a pas modifié la date d'entrée en vigeur qui avait été fixée par la Commission européenne à 2024.

3. PRINCIPALES AUTRES PRECISIONS APPORTES PAR LE PARLEMENT EUROPEEN

3.1 Une entreprise (PME) peut être dotée de peu de subsatnce pour de justes motifs

En préambule à la proposition de Directive, le Parlement européen ajoute que dans certains cas, des entreprises peuvent être dotées de peu de substance économique pour des motifs valables. Il insiste dans cette optique sur un cadre juridique « proportionné » protégeant la position des PME qui utilisent des  entités légales à l’étranger pour diverses raisons (comme la promotion de leurs investissements, ou pour se conformer à des législations nationales, ou encore opérer sur différents marchés nationaux).

3.2 Equilibre entre réglementation des sociétés-écrans et soutien aux entreprises de l'EU

Le Parlement européen soutient que l’absence d’instrument international ciblant les sociétés-écrans est une lacune dans les efforts globaux fournis contre la fraude et l’évasion fiscale. Cette absence confirmerait l’importance du contenu de la proposition de Directive. Il est par ailleurs précisé que les Etats membres sont libres d’appliquer des critères plus stricts – que ceux envisagés - en matière de substance minimale.

Dans ce contexte, le Parlement européen précise qu’il est essentiel de garantir que les obligations fiscales prévues par la proposition de Directive soient proportionnées et efficaces sur le plan fiscal, tout en « préservant la compétitivité des entreprises de l’Union ».  Les termes « proportionnés » sont ajoutés à de multiples endroits dans le texte de la proposition de Directive.

Avec ces précisions, le Parlement européen navique entre justification des (lourdes) obligations déclaratives qui seront désormais appliquées aux groupes de sociétés, et nécessité de ne pas noyer les entrprises européennes qui opérent à l'international. 

3.3 Exclusion des sociétés réglementées ou présentant peu de risque

Contrairement à ce que prévoyait le texte proposé par la Commission européenne, le Parlement précise que l’exclusion des sociétés réglementées ou présentant peu de risque de manquer de substance doit être appréciée « entité par entité » et ne pas être étendue à l’ensemble d’un groupe de sociétés. Cette position entrainera un travail plus lourd pour les groupes. Notons également la suppression de l’exclusion applicable aux entreprises qui emploient au moins 5 équivalents temps plein, en charge de l’activité génératrice des revenus à risque.

3.4 Stabilité fiscale: présomption de substance suffisante sur une période définie

Pour des raisons de stabilité fiscale, et d’allocation efficace des ressources, le Parlement européen suggère aux Etats membres de permettre aux sociétés-écrans qui ont démontré dans leur déclaration disposer de suffisamment de substance de pouvoir être présumées dotées de suffisamment de substance sur une certaine période (à condition que la situation factuelle et juridique demeure inchangée).

​3.5 Exemption du test de substance pour les sociétés-écrans qui démontrent l’absence d’avantage fiscal

Dans certains cas, les sociétés-écrans à risque peuvent bénéficier d’exemptions si elles démontrent que leur interposition n’a pas d’effet positif concret sur la position fiscale globale du groupe ou du/des bénéficiaire(s) effectif(s). Le Parlement européen suggère de dispenser ces contribuables de devoir effectuer le test de substance.

3.6 Clarification de définitions
  • Avantage fiscal

Le terme « avantage fiscal » n’était pas défini. C’est désormais le cas : le Parlement européen précise qu’il s’agit d’une « réduction des charges obligatoires d’une entreprise envers l’Etat de résidence fiscale ». Cette définition ne manquera pas de susciter des questions et débats à l’avenir.

  • Bénficiaire effectif

Pour la définition de bénéficiaire effectif, le Parlement européen renvoie désormais à l’article 2, point 22 de la proposition de Règlement relatif à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (COM/2021 420), et non plus à la Directive (EU) 2015/849.


​                                Date: 20/01/2023


La présente lettre d'information a vocation à fournir une information générale, et ne constitue pas un conseil personnalisé sur mesure. Bien que rédigée avec soin, elle ne doit pas être considérée comme un avis juridique et, à ce titre, n'engage pas la responsabilité du cabinet d’avocats Advisius.

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