Debt pushdown - déductibilité des coûts d'emprunt

Nouvel arrêt de la Cour de cassation

Debt pushdown - déductibilité des coûts d'emprunt

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CONTEXTE
Opération visée: 

Distribution de dividendes ou réduction de capital, financée (en tout ou partie) par voie d’emprunt bancaire pour libérer le cashflow requis par la mise en œuvre de l’opération.

Question fiscale: 

Les coûts de financement d’une telle opération sont-ils déductibles ?

QU'EN RETENIR?

Le financement d’opérations structurelles, en faisant descendre le financement externe au niveau de l’activité opérationnelle (i.e. le debt pushdown¸ notamment par voie de distribution de super dividendes ou de réductions de capital) aiguise par nature les critiques de l’administration fiscale.

La déductibilité fiscale d’un coût de financement requiert que plusieurs conditions soient satisfaites. La société qui revendique la déduction a la charge de la preuve que ces conditions sont satisfaites. Elle doit y veiller avec grande attention.

La déduction du coût au niveau de la société doit notamment être justifiée par le fait que ce coût permet d’acquérir ou de conserver des revenus imposables de la société. Un prêt pour pallier l’absence de liquidités est une justification insuffisante. Un prêt qui a une autre finalité que l’acquisition ou le maintien de revenus imposables de la société opérationnelle sans démontrer cette finalité au niveau de la société opérationnelle ne permet pas de justifier cette déductibilité.

LES PRINCIPES FISCAUX DE BASE

Pour être déductibles au niveau fiscal, les coûts doivent satisfaire à plusieurs conditions. Notamment, ils doivent être « faits ou supportés pour acquérir ou conserver des revenus imposables » (art. 49 du Code des impôts sur les revenus 1992).

Il doit exister un lien entre les coûts et l’acquisition ou la conservation de revenus imposables. La charge de la preuve repose sur le contribuable qui revendique la déduction.

LE LITIGE EN L'ESPECE

La société concernée est une brasserie de la région anversoise, cotée au moment des faits en 2012. Deux holdings, actionnaires de la brasserie, veulent opérer sa sortie de bourse. Les actionnaires décident la mise en paiement d'un super dividende par la brasserie. La brasserie finance elle-même partiellement ce super dividende par un prêt bancaire. Ce super dividende est l’un des moyens de financement de la sortie de bourse.

L’administration fiscale (plus précisément l’Inspection Spéciale des Impôts) rejette la déduction des intérêts liés à ce prêt bancaire. Pour elle, les éléments du dossier démontrent que les coûts de l’emprunt contracté pour financer le super dividende avait pour intention/finalité le remboursement de crédits relais contactés par les holdings acheteuses à l’occasion de la sortie de bourse de la brasserie.

Invoquer la « préservation des actifs » n’est pas suffisant (à savoir : en l’absence de liquidités pour un dividende, la société devrait vendre des actifs, et pour éviter de devoir vendre des actifs – qui servent à générer des revenus liés à l’activité de la société - la société devait emprunter).

LA RECENTE TRILOGIE DE LA COUR DE CASSATION

Ce récent arrêt du 31 mars 2023 est le troisième arrêt récent en la matière. Chacun des arrêts a abouti à la non-déduction des charges d’emprunt des sociétés concernées.  

Dans son arrêt du 21 juin 2019, la Cour de cassation s’est prononcée sur les principes de déductibilité : Les frais exposés par une société ne sont déductibles au sens de l'article 49 du Code des impôts sur les revenus 1992 que lorsqu'ils répondent aux conditions prescrites par cette disposition et notamment lorsqu'ils ont été faits ou supportés en vue d'acquérir ou de conserver des revenus imposables, quel que soit le lien avec les activités statutaires de la société.

Dans son arrêt du 19 mars 2020, la Cour de cassation s’était déjà prononcée sur une question de modalité de preuve du lien entre la charge et la conservation des revenus : la seule circonstance qu’une société ne dispose pas de liquidités suffisantes au moment où elle doit effectuer des paiements et qu'elle contracte donc un emprunt afin d'effectuer ces paiements ne suffit pas  à  prouver  que  les  charges  d'intérêts  liées  à  cet  emprunt  sont  déductibles  comme  frais  professionnels; la société doit en effet prouver que ces charges d’intérêt tendent à acquérir ou conserver des revenus imposables, ce qui peut se faire en démontrant notamment que l’emprunt a été contracté pour éviter la perte d'actifs utilisés pour acquérir ou conserver des revenus imposables.

Par son arrêt du 31 mars 2023 (rôle n°F.22.0071.N), la Cour de cassation se prononce à nouveau sur la preuve du lien entre la charge et la conservation des revenus. Cet arrêt de 2023 est perçu comme une victoire par l’Inspection Spéciale des Impôts. Il nous semble nécessaire de bien percevoir la portée de cet arrêt, sans lui attribuer des conclusions qui n’y sont pas formulées. La Cour de cassation constate que la société n’apporte pas la preuve requise pour la déductibilité du coût de financement ; la seule affirmation, non étayée d’éléments précis et concrets, que l’emprunt a permis de conserver des actifs n’est pas une preuve suffisante. Nous ne pensons pas que cet arrêt condamne le principe du financement d’un superdividende (contrairement à ce que l’Inspection Spéciale des Impôts semble estimer). L’arrêt illustre par contre la nécessité pour la société distributrice, face à une décision de l’assemblée générale, d’examiner et de documenter les alternatives envisageables (ou non) pour financer un tel dividende qui relève du pouvoir de son assemblée générale.  

Notons encore qu’un autre arrêt de la Cour de cassation de ce même jour, 31 mars 2023 (rôle n°F.22.0108.N), précise que l’intention d’acquérir ou de conserver des revenus imposables au moyen des frais exposés est suffisante. La Cour de cassation énonce qu’est sans pertinence la mesure dans laquelle les frais ont effectivement conduit à acquérir ou conserver des revenus imposables.

 


​                                Date: 02/07/2023


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