Opérations transnationales des sociétés (holdings) - CFC & mesures anti-abus

La loi du 22 décembre 2023 impacte les opérations transnationales, qu’il s’agisse de certains investissements ou de certains paiements.

Opérations transnationales des sociétés :  

Récentes modifications légales belges 

​                 ​           pour la version imprimable/pdf: cliquez ici

Plusieurs modifications légales votées fin 2023 impactent les opérations transnationales, qu’il s’agisse de certains investissements ou de certains paiements.

HOLDINGS & INVESTISSEMENTS PASSIFS (DIRECTS OU INDIRECTS) : ATTENTION AUX CFC (ET À LA TAXE CAÏMAN)

1.​1 CFC : Principes

Le régime CFC (pour “Controlled Foreign Company”), issu de la directive ATAD, a été modifié par la loi du 22 décembre 2023. 

Ce régime de transparence fiscale vise les revenus passifs (i.e. dividendes, intérêts, etc.) de sociétés étrangères faiblement imposées contrôlées par une société belge, ainsi que les établissements étrangers faiblement imposés de sociétés belges. 


Deux critères doivent être satisfaits :

  1. Contrôle : Le contrôle par la société belge découle de la détention, directement ou en partie indirectement, de la majorité des droits de vote ou de la détention d’au moins 50% du capital
  2. Imposition faible : ce critère vise les entités non soumises à un impôt sur les revenus, ou soumises à un impôt inférieur à la moitié de l’impôt des sociétés en Belgique.  

Par la modification de fin 2023, une « approche par entités » est désormais appliquée, alors que précédemment (en 2017) la Belgique avait opté pour l’ « approche transactionnelle » dans son implémentation de la directive ATAD. 


En pratique, ceci aboutit à ce que la société belge doive immédiatement intégrer dans sa base imposable les revenus passifs non distribués de la CFC. Toutefois, certaines exceptions existent. Les CFC doivent être identifiées au sein de la déclaration belge à l’impôt des sociétés. 

Ceci est applicable dès l’exercice d’imposition 2024 (comptes clôturés au 31/12/2023, ce qui peut être perçu comme une forme de rétroactivité). 


1.2 Points d’attention

Cette modification peut sembler anodine. Elle est néanmoins susceptible d’avoir une incidence significative. Dans ce cadre, l’examen qui doit être réalisé au sein des groupes transnationaux pourra être source de questions et difficultés :

  • Etendue de la notion de contrôle : pour le seuil de 50% du capital ou de la majorité des droits de vote, il y aurait désormais lieu de prendre également en compte les participations détenues par les entités associées de la société belge. Dans ce cadre, une revue de l’intégralité de la structure du groupe devrait être revue, jusqu’à la dernière ligne de participation de l’ultime filiale du groupe. 
  • Imposition insuffisante : l’évaluation doit être réalisée quelle que soit la localisation de la société ou de l’établissement étranger (Europe ou hors Europe). Le critère d’imposition requiert de recalculer selon les règles belges le résultat non distribué des CFC, pour comparer si l’impôt effectivement payé par l’entité CFC dans son Etat de localisation est suffisant (au moins 50% de l’impôt belge). L’exercice peut être ardu, requiert l’application de règles de calcul et de proratisation spécifiques, et devra être refait chaque année. De plus, les pertes d’une CFC ne sont pas incluses dans le résultat de la société belge actionnaire (seuls sont regardés en transparence les bénéfices). L’application du dispositif légal pourrait aboutir à certaines impositions inattendues, et aboutira à tout le moins à des efforts (et coûts) importants en matière de compliance.    

Exemples : 

    • une holding belge détient 50% d’une sous-holding dans un autre Etat où le taux d’impôt des sociétés est comparable à la Belgique. Cette sous-holding prend en charge par exemple des frais de restaurant, qui sont entièrement déductibles pour le calcul de l’impôt local. La holding perçoit également des dividendes, exonérés par application d’un régime mère-filiale. Par le seul fait de la déductibilité locale des frais de restaurant, la holding locale pourrait qualifier de CFC vu la déductibilité limitée en droit belge…
    • une holding belge détient 50% d’une sous-holding dans un autre Etat où le taux d’impôt des sociétés est comparable à la Belgique. Cette sous-holding réalise des plus-values mais également une moins-value. Si les règles d’exonération des plus-values sont plus souples dans l’autre Etat, ou si les moins-values sont déductibles, la sous-holding pourrait être une CFC…
    • une holding belge détient 50% d’une sous-holding établie dans un Etat avec lequel la Belgique a conclu une convention préventive de la double imposition, qui applique un régime fiscal « offshore ». Ce régime, au cas particulier, ne pose pas de souci pour le bénéfice du régime RDT. S’agissant de la règle CFC toutefois, la Belgique ne connaissant pas de régime offshore, il est probable que l’impôt supporté par la sous-holding sera insuffisant…
    • Si par application des règles CFC un revenu passif est imposé au niveau de la holding belge, puis que la CFC détenue est en perte (si bien qu’elle ne paie jamais d’impôt), la holding belge aura payé un impôt belge sur un revenu qu’elle n’aura jamais perçu…

1.3  Commentaires 

La législation belge transpose une directive européenne, mais la dépasse peut-être. La modification légale belge, votée fin décembre 2023 mais pouvant viser des revenus antérieurs, peut aboutir à ces conséquences qui nous semblent dépasser la légitimité de la lutte contre les paradis fiscaux, par un champ qui nous semble très (trop ?) large et qui requiert une lourdeur administrative, qui pourrait être dans certains cas impraticables en fonction de l’interprétation qui sera donnée à l’étendue du champ d’application, ceci sans que le moindre seuil de matérialité ne soit défini. 


1.4  Taxe Caïman

L’actionnaire personne physique belge d’une holding (y compris une holding belge) n’est pas à l’abri de surprises, vu que les investissements de la holding (ou de sous-holdings) peuvent donner lieu à application de la taxe Caïman dans son chef (informations sur la taxe Caïman : ici pour le projet évoqué dans notre lettre d’information de décembre 2023, et ici pour l’application à la SCI). 


Il est à noter que les interactions entre la taxe Caïman et des nouvelles règles CFC ne sont pas parfaitement accordées. Une double imposition pourrait donc, dans certains cas, survenir


PAIEMENTS ET TRANSFERTS VERS DES ‘PARADIS FISCAUX

2.1  Principe 

Il y a plus de 10 ans, la Cour de justice de l’Union européenne avait condamné la Belgique pour ses conditions « spéciales » formulées en vue de déduire les paiements et transferts vers les ‘paradis fiscaux’ (arrêt dit ‘SIAT’), jugées contraires à la libre prestation de service. Le législateur vient d’adapter le dispositif légal belge pour (tenter de) le mettre en conformité avec le droit européen. 


Les mesures spéciales concernées sont :

  1. L’article 54, CIR92, limitant la déduction de certains paiements vers des ‘paradis fiscaux’ sauf preuve de légitimité apportée par le contribuable ;
  2. L’article 344, §2, CIR92, rendant inopposable certains transferts vers des ‘paradis fiscaux’, sauf preuve de légitimité apportée par le contribuable. 

Désormais, à compter du 1er janvier 2024 :

    1. Seules sont concernées les situations où il existe un lien d’interdépendance entre les parties
    2. Ces mesures ne sont pas applicables s’il est démontré que le bénéficiaire est soumis à un impôt effectif sur les revenus égal au moins à la moitié de l’impôt qui aurait été dû si le bénéficiaire était en Belgique. 

2.2   Commentaire

Certaines questions subsistent quant à la conformité de cette mise à jour avec le droit européen. La compatibilité de ces mesures spéciales au regard des (éventuelles) conventions fiscales applicables est également source de questionnement





​                                Date: 15/02/2024


This document is of a general nature, for information purpose, and does not constitute a custom made personal advice. Although carefully drafted, it should not be relied upon as legal advice and as such does not engage any liability of the law firm Advisius .

 © Advisius (CBE 0741.762.760)




Structuration de groupes de sociétés - Application autonome du principe anti-abus européen
La Cour de cassation autorise une application autonome du principe européen anti-abus