Jurisprudence/fiscalité belge du co-investissement par des professionnels

Carried interest et options sur actions

Jurisprudence/fiscalité belge du co-investissement par des professionnels

Carried interest et options sur actions

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Il n'existe pas de régime spécifique pour le Carried interest (intéressement différé) ou le Earn Out (complément de prix) en Belgique. Le mécanisme du co-investissement avec mise en place d’options sur actions fait partie des alternatives envisageables pour intéresser les gestionnaires et professionnels de l’investissement qui relèvent de la fiscalité belge.

L'administration fiscale belge tente par divers moyens de remettre en cause les structures de co-investissement, car accessibles uniquement à ceux qui exercent une activité professionnelle liées à la structure d’investissement, et qui captent, parfois de manière disproportionnée, une partie de la création de valeur réalisée par l’investissement.

Diverses décisions judiciaires récentes, dont certaines n’ont pas fait l’objet d’un recours, rejettent les tentatives de l’administration fiscales de qualifier une telle structure de simulée. La récente décision du tribunal de première instance de Bruxelles du 27 février 2023 en est un exemple, très illustratif pour comprendre les enjeux de ce sujet..

FAITS LIES AU JUGEMENT DU 27 FEVRIER 2023

Une société d’investissement cotée en bourse (la GIMV) a mis en place un mécanisme de co-investissement pour intéresser ses gestionnaires.

Par ce mécanisme, le gestionnaire se voit attribuer gratuitement des options sur actions portant sur la société de co-investissement.

Ces options sur actions sont attribuées en faisant application du régime fiscal spécial des options sur actions (loi du 26 mars 1999).

Par conséquent, le gestionnaire est imposable au moment de l’octroi des options, de manière forfaitaire à hauteur d’une fraction de la valeur des actions sur lesquelles porte l’option.

Comme en l’espèce, le mécanisme est souvent complété par un droit d’acquérir les actions résultant de l’exercice des options par l’Invest ou une structure affiliée (option call) et un droit de vendre les actions acquises par l’exercice des options par le gestionnaire (option put).

Le gestionnaire ayant accepté les options, il s’était fait imposer lors de l’octroi des options, conformément au régime spécial d’imposition des options sur actions. Quelques années plus tard, il a exercé ses options. Puis l’Invest, employeur du gestionnaire, a actionné son call et a acheté les actions détenues par le gestionnaire, qui réalisa à ce moment une plus-value sur actions.

DISCUSSIONS FISCALES

Le gestionnaire avait estimé que la plus-value réalisée lors de la vente des actions (suite à l’exercice des options) n’était pas imposable, s’agissant d’une opération de gestion normale de son patrimoine privé.

L’administration fiscale (Inspection Spéciale des Impôts) estime quant à elle que le co-investissement était simulé (ceci afin d’écarter l’application du régime des options sur actions et la protection du contribuable qu’elle induit). Ce faisant, l’administration fiscale postulait dès lors l’imposition des sommes versées par l’employeur à titre de revenus professionnels.

DECISION DU TRIBUNAL

Le tribunal rappelle qu’une simulation existe « lorsqu'un contribuable commet une infraction à la législation fiscale dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire en présentant un acte juridique qui ne correspond pas à la véritable convention qui est tenue secrète ». La charge de la preuve de la simulation appartient à l’administration fiscale.

L’administration fiscale conteste la structure, notamment en prétendant que le gestionnaire ne court aucun risque entrepreneurial par cette structure, et que l’intention consistait uniquement à partager les résultats positifs avec les détenteurs d’options sur actions. L’administration évoquait également les défauts dans le registre des actionnaires (absence de signatures et mentions au crayon), l’absence d’intention du contribuable de détenir les actions de manière durable avec les risques y associés, la remise en cause de l’affectio societatis du contribuable dans le co-invest, le manque de substance, l’absence de TVA sur la commission de co-investissement, etc. 

Le tribunal rejette la simulation: l'administration fiscale ne prouve pas la simulation:

  • Il n’y a pas d’intention frauduleuse ou de dessein de nuire, en particulier il n’y aurait pas eu d’accord caché pour soustraire des revenus professionnels de l’impôt par ce mécanisme ni de conditions éloignées de transactions commerciales normales à un point tel qu’elles pourraient être qualifiées de frauduleuses ;
  • Toutes les dispositions de la loi sur les options sur les actions ont été respectées, avec une mise en œuvre réelle et transparente de l’octroi et de l’exercice des options sur actions ;
  • Le Service des Décisions Anticipées de l’administration fiscale a par le passé déjà donné lieu à des rulings positifs validant un tel mécanisme.

Le tribunal constate également que le professionnel n’a pas affecté les actions acquises à l’exercice de son activité professionnelle.

Par conséquent, le tribunal rejette la prétention de l’administration fiscale d’imposer la plus-value réalisée par le contribuable lors de la vente des actions en tant que revenus professionnels.

COMMENTAIRE

La décision du tribunal de première instance de Bruxelles du 27 février 2023 s’inscrit dans le prolongement d’autres décisions judiciaires récentes (notamment TPI Anvers, 29 septembre 2021, TPI Bruxelles, 11 octobre 2021, TPI Louvain, 19 novembre 2021, TPI Louvain 16 décembre 2022) et de rulings délivrés par l’administration fiscale : un intéressement correctement structuré ne peut pas être imposé en tant que revenus professionnels. Cette décision illustre l’importance d’une correcte mise en œuvre du plan d’intéressement, avec le traitement fiscal y lié.  

Cette décision n’évoque pas une autre prétention de l’administration fiscale pour imposer l’intéressement, à savoir la qualification en revenus divers. Un arrêt de la Cour de cassation est attendu sur le sujet (pourvoi contre un arrêt de la Cour d’appel de Gand du 28 juin 2022, stipulant que seule la partie disproportionnée de la plus-value peut être imposée au titre de revenus divers). Nous vous tiendrons informé quant à cet arrêt. 




​                                Date: 20/09/2023


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