Taxe Caïman - Les SCI françaises sous ses crocs...

Les SCI, sous les crocs de la taxe Caïman....


 Taxe Caïman  

Les SCI, sous les crocs de la taxe Caïman…

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Le traitement fiscal belge des SCI françaises est depuis longtemps source de discussions et de dissensions entre l’administration fiscale belge et les contribuables. En cause, la translucidité française des SCI, mécomprise en Belgique. Après des errements jurisprudentiels, un certain calme était revenu, avec néanmoins des difficultés rémanentes… Les SCI se retrouvent toutefois à nouveau sous le feu des projecteurs, bien malgré elles, cette fois au travers de la réforme de la taxe Caïman.

LA TAXE CAIMAN

La taxe Caïman, instaurée en 2015, vise à lutter contre l’évasion fiscale en imposant en « transparence » les revenus générés par des avoirs logés dans des structures peu ou pas taxées, lesquelles sont qualifiées de « constructions juridiques ». Initialement, la taxe Caïman avait pour but de lutter contre l’évasion fiscale réalisées par des constructions « offshore » surtout établies dans des paradis fiscaux. Le champ d’application s’est rapidement élargi.


La loi du 22 décembre 2023 a apporté une série de modifications que nous avions présentées ici, qui peuvent influencer le traitement fiscal belge de la SCI (lorsque cette dernière n’a pas opté pour son assujettissement à l’impôt des sociétés en France). 


ENJEU : QUELLES CONSÉQUENCES DÉCOULERAIENT DE  L’INTÉGRATION DE LA SCI DANS LE CHAMP D'APPLICATION DE LA TAXE CAÏMAN?    
  • La SCI devra faire l’objet d’une déclaration spécifique, dans le formulaire de déclaration à l’impôt des personnes physique des résidents belges qualifiés de fondateurs (l’absence de déclaration étant sanctionné par une amende de 6.250 € par construction juridique par déclaration annuelle) ;
  • Les actifs immobiliers de la SCI devront être déclarés à l’administration fiscale belge en vue de se voir attribuer un revenu cadastral ;
  • Les revenus de la SCI devront être déclarés en transparence par les fondateurs belges (dépendant du locataire : le  revenu cadastral ou les loyers). Ces revenus seraient en principe exonérés avec réserve de progressivité, conformément à la convention fiscale franco-belge, mais il en serait tenu compte pour le calcul des taxes additionnelles ;
  • Toute distribution par la SCI sera traitée comme un dividende à concurrence des sommes qui excèdent le patrimoine apporté par le fondateur (sauf à pouvoir démontrer que ces sommes ont déjà été imposées en transparence en Belgique entre les mains d’un fondateur belge, sans être exonérées en application du droit belge ou de la convention fiscale franco-belge) ;
  • En cas de déménagement à l’étranger ou de cession des parts à un cessionnaire hors de Belgique, une exit tax s’appliquera à concurrence des réserves non distribuées de la SCI ;
  • Un délai de prescription exceptionnel de 10 ans s’applique.


RÉGIME ANTÉRIEUR (ANCIENNE MOUTURE DE LA TAXE CAÏMAN)

Les SCI n’étaient (presque) jamais visées par la taxe Caïman en application des exceptions suivantes : 

    1. ​​les revenus issus de biens immeubles français sont en principe uniquement imposables en ​France, conformément à la convention préventive de la double imposition franco-belge (l’exception « conventionnelle ») ; et/ou 
    2. si la SCI percevait des revenus, ses associés subissaient généralement un impôt d’au moins ​1%  sur une base imposable calculée selon les règles belges (l’exception « d’imposition »).
MODIFICATIONS APPORTÉES A LA TAXE CAIMAN LE 22 DÉCEMBRE 2023

La loi du 22 décembre 2023 a supprimé l’exception "conventionnelle".


CONSÉQUENCES

Seule subsiste l’exception « d’imposition minimale ». Cette exception requiert :

  1.  ​un recalcul de la base imposable générée par la SCI selon les règles belges ; et
  2. une imposition de l’associé à un impôt sur les revenus qui s’élève à au moins 1% du revenu ​tel que recalculé au point 1 ci-dessus. 

Ceci aboutit dès lors à se poser plusieurs questions :


  • Les SCI qui détiennent un bien qui est mis en location (SCI actives), qui disposent donc d'une base imposable à l'impôt sur les revenus en France :
    • le recalcul de la base imposable selon les règles belges abouti-t-il à pouvoir appliquer l'exception d'imposition minimale ?
  • Les SCI qui détiennent un bien immeuble qui n’est pas mis en location (SCI passives) : 
    • existerait-il une base imposable à l’impôt sur les revenus en France ? En l’absence de base imposable, l’exception d’imposition minimale peut-elle s’appliquer ?
  • Les SCI peuvent-elles dès lors être des constructions juridiques visées par la taxe Caïman en fonction  des réponses aux questions précédentes  ?

Les réponses ne sont pas univoques, ni dans les travaux préparatoires, ni en l’état actuel des commentaires des textes légaux.


Selon nous, il existe de bons arguments aboutissant à conclure qu’une SCI ne peut pas être une construction juridique


Notamment, de manière synthétique :


  1. La SCI, comparée à une détention directe de l’immobilier, n’est pas une « structure de nature à esquiver un prélèvement d’impôt normal » (objectif premier de la taxe Caïman). Au contraire, la SCI aboutit à augmenter le prélèvement d’impôt pour le résident belge, du fait que toute distribution réalisée par la SCI à l’associé résident belge est qualifiée (et imposée) en Belgique en tant que dividendes.
  2. L’absence de base imposable dans le recalcul belge devrait permettre l’application de l’exception d’imposition minimale. En effet, une SCI qui détiendrait un bien, sans percevoir de loyer, aurait une base imposable négative en Belgique, en raison notamment des frais usuels de fonctionnement, impôts fonciers et amortissements déductibles. Par conséquent, si la base imposable en Belgique est nulle, le fait de ne payer aucun impôt en France ne devrait pas être rédhibitoire. Une difficulté pratique pourrait survenir si aucune comptabilité n’est tenue pour la SCI. Une comptabilité simplifiée pourrait dès lors servir de base au recalcul selon les règles belges. En tout état de cause, la tenue d’une comptabilité analytique ne nous semble pas constituer une condition pour bénéficier de l’exception. La déclaration fiscale de la SCI sera par contre requise pour évaluer la charge d’impôt. 

Pour la sécurité, il pourrait être envisagé de mettre le bien en location durant une courte durée durant l’année. Ceci permettrait de disposer d’une base imposable en France et donc de rencontrer mécaniquement la condition. Il conviendra toutefois de vérifier les conséquences fiscales en France d’une telle mise en location. 


Les SCI translucides détenues par des sociétés holding possiblement également problématiques 

Il convient de prêter une attention particulière aux SCI translucides détenues par l’intermédiaires d’entités qui ne qualifient pas elles-mêmes de constructions juridiques. En effet, suite à la loi du 22 décembre 2023, ces entités peuvent désormais qualifier de construction juridique intermédiaire. Le cas échéant les associés résidents belges pourraient se voir appliquer la taxe Caïman, au prorata de leur participation dans la société holding intermédiaire.


COMMENTAIRES

Les modifications apportées à la taxe Caïman par la loi du 22 décembre 2023, visant à combler des lacunes identifiées par un rapport de la Cour des comptes, aboutissent à de nombreuses questions autour de l’élargissement significatif de l’application de la taxe Caïman qui résulte de ces modifications. 


Nous estimons que cette loi engendre de nombreuses contrariétés tant aux libertés fondamentales garanties par le droit européen, qu’au principe d’égalité et de non-discrimination garanti  par la Constitution belge.


Ensuite, force est de constater que les modifications manquent de clarté et de cohérence lorsqu’il convient de les appliquer concrètement. Notamment, le calcul de la base imposable d’une SCI, selon les règles belges, alors que ladite SCI n’est pas obligée de tenir une comptabilité, mènera certainement  à des discussions. 


Enfin, nous nous interrogeons également sur la compatibilité de la taxe Caïman avec la convention fiscale franco-belge actuellement en vigueur. Celle-ci ne permet en effet pas explicitement à la Belgique d’appliquer la taxe Caïman. Il en sera autrement lorsque la nouvelle convention signée en novembre 2021 par la France et la Belgique entrera en vigueur (date inconnue actuellement, peut-être 2025 ou 2026). 


Un examen de chaque situation individuelle, et une prise de position au regard de chaque situation individuelle devra être réalisée au cours des prochains mois, avant l’introduction de la déclaration fiscale à l’impôt des personnes physique à souscrire au cours de cette année (exercice d’imposition 2024), car les obligations déclaratives s’appliquent dès cette année (même si la transparence résultant de l’élargissement du régime de la taxe Caïman par la loi du 22 décembre 2023 s’applique uniquement à compter des revenus 2024, exercice d’imposition 2025).




​                                Date: 12/02/2024


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