Entreprises en difficulté

Aspects fiscaux des remaniements de dette

Entreprises en difficulté  

Aspects fiscaux des remaniements de dette

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Une entreprise confrontée à des difficultés dispose de plusieurs options pour préserver la continuité de ses activités et sauvegarder ses actifs. Nous vous proposons ci-après un aperçu des mesures de remaniement de dette, et de leurs conséquences fiscales, vu les changements fiscaux résultant de la loi du 28 décembre 2023. 

1. APERÇU  DES PROCÉDURES  VISANT  À PRÉSERVER LA           CONTINUITÉ DE L’ENTREPRISE

L’objectif de ces différentes procédures est de négocier une remise totale ou partielle de dettes et/ou des termes et délais de paiement. Nous n’abordons pas ici la question d’une faillite.


1.1 Accord amiable hors procédure judicaire

Des négociations peuvent être menées avec un ou plusieurs créanciers en dehors du cadre judiciaire (= accord amiable extrajudiciaire). Les parties conviennent librement de la teneur de leur accord. Une fois l’accord conclu, les parties peuvent solliciter son homologation par le tribunal.

Une société peut être tentée d’abandonner une partie ou la totalité d’une créance détenue à l’encontre d’une société en difficulté, surtout dans un contexte intragroupe. Ceci prend alors la forme d’une convention d’abandon de créance, souvent formulée sous condition résolutoire de retour à meilleure fortune. La condition de retour à meilleure fortune implique que la créance est susceptible de « renaître » dans certaines circonstances (selon des termes et conditions formulés dans la convention d’abandon de créance). 


1.2  Réorganisations judiciaires (publiques et privées) 

Il est possible de solliciter, par requête introduite devant le tribunal de l’entreprise (avec les délais encadrant cette procédure), l’ouverture d’une procédure de réorganisation judiciaire

Cette procédure permet à l’entreprise, sous le contrôle du tribunal, de négocier avec ses créanciers des remises de dettes et/ou des termes et délais de paiement. La procédure de réorganisation judiciaire fait en principe l’objet de mesures de publicité, susceptibles de nuire à l’image de l’entreprise qui rend public les difficultés financières qui induisent la nécessité de la réorganisation judiciaire (avec toutes les conséquences y liées sur l’ensemble des relations commerciales, y compris celles non impactées par la réorganisation judiciaire). 

La loi du 7 juin 2023 a pour cette raison introduit une nouvelle forme de procédure de réorganisation judiciaire dite « privée » (ou confidentielle) qui ne fait pas l’objet de mesures de publicité.  


2. CONSÉQUENCES FISCALES

Nous évoquons ici les conséquences fiscales d’une remise totale ou partielle de dette selon les procédures évoquées ci-avant pour les entreprises soumises à l’impôt belge.

Sur le plan comptable, une remise totale ou partielle de dette entraîne les conséquences suivantes sur le plan belge :

    • le débiteur qui bénéficie d’une remise (partielle) de dette comptabiliserait un bénéfice exceptionnel égal à la (partie de) dette qu’il ne doit plus rembourser ; 
    • le créancier qui abandonne (partiellement) sa créance comptabiliserait une réduction de la valeur  de sa créance, ou d’une moins-value définitive

2.1 Au niveau du débiteur

Précédemment, seules les procédures de réorganisation judiciaire pouvaient bénéficier d’une exonération (définitive) du bénéfice qui résultait de la dette effacée par la procédure. La réorganisation par voie de procédure amiable impliquait l’intégration du bénéfice exceptionnel issu de la remise de la dette dans le résultat imposable de l’année, avec le cas échéant une limitation de l’utilisation des pertes fiscales lorsque le bénéfice de l’année est supérieur à un million d’euros.  


Ceci a changé. L’exonération :

    • n’est plus définitive, et 
    • ne requiert plus nécessairement une procédure judiciaire

Désormais, le bénéfice exceptionnel issu de la remise de dette est temporairement exonéré (en satisfaisant à certaines conditions formelles) en cas :

    • d’accord amiable extrajudiciaire;
    • de réorganisation judiciaire, tant publique que privée (sauf exceptions, ci-dessous).

Le bénéfice exceptionnel n’est pas exonéré lorsqu’il n’y a pas accord réel du créancier, avec homologation d’un accord par le juge  :

    • pour les dettes envers des créanciers qui ne marquent pas leur accord amiable dans le cadre d’une réorganisation judiciaire publique, lorsque le tribunal octroie, sur requête contradictoire du débiteur, des délais modérés à l’égard de ces créanciers ;
    • pour les dettes envers des créanciers qui ne marquent pas leur accord amiable dans le cadre d’une réorganisation judiciaire privée par accord amiable, lorsque le tribunal octroie, sur requête contradictoire du débiteur, des délais modérés à l’égard de ces créanciers.

L'exonération est désormais temporaire. Cette exonération ne s'appliquera que pendant la période d’exécution de l’accord amiable, ainsi que pendant les deux périodes imposables qui suivent celle de l'exécution complète de l’accord. Entre la 3eme et la 6eme période imposable après l'exécution de l'accord, les montants initialement exonérés seront réintégrés dans la base imposable du débiteur à concurrence de 25% par année. Bien entendu le débiteur pourra le cas échéant utiliser ses pertes fiscales pour neutraliser ce bénéfice imposable, le cas échéant avec application plafonnée des pertes fiscales en cas de bénéfice supérieur à un million d’euros. Ce régime d’exonération temporaire s'applique aux accords amiables constatés et aux plans de réorganisation homologués à partir du 9 janvier 2024.


En cas de résiliation totale ou partielle de la remise d'une dette, la partie non encore taxée de la remise de dette sera réintégrée dans le résultat de la période au cours de laquelle la résiliation de la remise a eu lieu (et la résiliation de la remise de dette constituerait en principe une charge déductible, même si la loi ne le mentionne pas explicitement) .


Notons enfin qu’un abandon pur et simple de créance pourrait entrainer la reconnaissance d’un avantage anormal ou bénévole reçu (par le débiteur) ou octroyé (par le créancier). Le plus souvent, une clause sous forme de condition résolutoire de retour à meilleure fortune est insérée dans ce type de convention pour éviter que l’abandon (partiel) de créance ne qualifie d’avantage anormal ou bénévole (sur la base d’une jurisprudence constante). 


2.2 Au niveau du créancier

Précédemment, le créancier bénéficiait d’une exonération fiscale pour la perte (totale ou partielle) de sa créance, qu’elle résulte d’une réorganisation judiciaire ou d’un accord amiable. 


Désormais, sont exonérées les réductions de valeur et provisions sur créances à la suite de :

    • un accord amiable en vertu des articles XX.38 ou XX.65, à l'exception du paragraphe 3, alinéa 2, ou XX.83/30, à l'exception du paragraphe 3, alinéa 2, du Code de droit économique, ou 
    • l'homologation d'un plan de réorganisation en vertu des articles XX.79 ou XX.83/15 ou XX.83/35 du même Code de droit économique, 

et ce, durant les périodes imposables jusqu'à l'exécution intégrale de l'accord amiable ou du plan, ou ​jusqu'à son retrait.


L’exonération n’est donc pas applicable lorsqu’il n’y a pas accord réel du créancier, avec homologation d’un accord par le juge  :

    • pour les créanciers qui ne marquent pas leur accord amiable dans le cadre d’une réorganisation judiciaire publique, lorsque le tribunal octroie, sur requête contradictoire du débiteur, des délais modérés à l’égard de ces créanciers ;
    • pour les créanciers qui ne marquent pas leur accord amiable dans le cadre d’une réorganisation judiciaire privée par accord amiable, lorsque le tribunal octroie, sur requête contradictoire du débiteur, des délais modérés à l’égard de ces créanciers.

 

​                                Date: 10/04/2024


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