Décisions anticipées en matière fiscale - Rapport annuel 2023

Quels enseignements en tirer ?

Décisions anticipées en matière fiscale

Rapport annuel 2023   

Quels enseignements en tirer ?

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Nous avons sélectionné ici quelques sujets parmi les nombreux thèmes abordés dans le rapport annuel que le Service des Décisions Anticipées (« SDA ») vient de publier ce 25 juin 2024. Ce rapport est intéressant, surtout au regard des demandes qui n’ont pas été acceptées par le SDA.

Nous limitons les sujets abordés ci-après pour contenir la présente dans un format court. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à nous contacter. Ce rapport annuel est disponible ici.


RÉGIME RDT – DIFFICULTÉS EN CAS DE REDISTRIBUTION DE MAUVAIS DIVIDENDES

Les dividendes distribués par une filiale à une société belge (société mère) peuvent, sous conditions, être intégralement déduits du résultat de la société belge. Il s’agit du régime belge d’exemption pour participation appelé « déduction pour revenus définitivement taxée » (RDT). Ces mêmes conditions sont applicables aux plus-values sur actions.


Si les dividendes sont « redistribués » par une société filiale intermédiaire, la déduction RDT n’est applicable que si au moins 90% des dividendes redistribués pouvaient bénéficier du régime RDT s’ils étaient perçus directement par la société mère belge (Art. 203, §1, 5°, du Code des impôts sur les revenus (CIR)). C’est une règle du « tout ou rien » : si le seuil de 90% n’est pas atteint, l’ensemble des dividendes redistribués est exclu de la déduction RDT.


Dans son rapport, le SDA constate que certains groupes de sociétés sont contraints d’isoler les mauvaises réserves au sein de leur groupe pour éviter de polluer la totalité du dividende redistribué. Ces mauvaises réserves sont ensuite redistribuées au fil de l’eau en tenant compte du ratio de 10%/90%, voire ne sont jamais redistribuées tant que la société mère est belge. Le SDA suggère donc de modifier cette condition du régime RDT afin de rendre l’application de la déduction RDT directement proportionnelle aux dividendes redistribués qui pourraient bénéficier de la déduction RDT, et dès lors abandonner cette règle du « tout ou rien » pour la redistribution des dividendes. 


Cette suggestion peut sembler raisonnable. Certes elle fera disparaître ce que certains voient comme étant une opportunité de maintien de la déduction RDT à une partie limitée de mauvaises réserves (maximum 10% des dividendes redistribués), mais cette suggestion permettra de ne pas totalement exclure les dividendes qui redistribuent une quote-part plus importante de mauvaises réserves. Notons par ailleurs que l’exercice d’identification de bonnes et de mauvaises réserves est particulièrement complexe ; cet exercice doit déjà être réalisé maintenant, et il serait maintenu en cas d’implémentation de la suggestion. 


RACHAT D’ACTIONS PROPRES – DIFFICULTÉS EN CAS DE RACHAT SANS ANNULATION

La plus-value dégagée par un actionnaire à l’occasion du rachat par une société de ses propres actions est qualifié de dividende à concurrence de l’excédent que représente le prix de rachat sur le capital libéré représenté par les actions rachetées (Art. 186 du CIR). Ce dividende est appelé « boni de rachat ». 

Cependant, le boni de rachat ne qualifie de dividende que lors de la survenance d’événements qui sont limitativement énumérés par la loi (destruction des actions, revente avec moins-value, etc.). C’est en principe par la survenance de cet événement que le précompte mobilier doit être retenu par la société. Or, cet événement, distinct du rachat lui-même, n’est pas nécessairement simultané au rachat, et peut intervenir lors d’une période imposable ultérieure à celle du rachat. Le texte de loi ne permet actuellement pas de déterminer avec certitude l’ensemble des conséquences fiscales liées à une telle opération répartie sur deux périodes imposables différentes, ceci tant pour la société ayant racheté ses actions que pour l’actionnaire. Il s’agit d’une source d’insécurité juridique pour les contribuables, pour laquelle le SDA constate qu’aucune solution n’est actuellement envisagée.

Un arrêt de la Cour d’appel de Liège offre une solution bienvenue à ce problème pour les actionnaires sociétés uniquement : la fiction de dividende ne s’appliquerait que si l’appauvrissement de la société intervient durant l’année du rachat. 

Le sujet étant particulièrement épineux dans la pratique, nous nous rallions à l’appel du SDA quant à une nécessité de légiférer sur le sujet.


RÉGIME FISCAL FAVORABLE DES FONDS D’INVESTISSEMENT – SICAV INSTITUTIONNELLE

Une famille souhaite constituer une SICAV institutionnelle via une STAK. Une SICAV institutionnelle permettra d’accéder à des investissements inaccessibles aux investisseurs privés, et de réaliser des économies de coûts. 

Le demandeur prend un certain nombre d’engagements, dont la distribution de dividendes avec perception du précompte mobilier, et pas d’application systématique ou périodique d’un rachat d’actions propres par la SICAV. 

Le SDA estime cependant que la SICAV ne constituera pas un OPCA institutionnel au sens de l’article 3, 6°, de la loi OPCA du 19 avril 2014. Cet article requiert que la SICAV institutionnelle recueille  ses moyens financiers « exclusivement auprès d'investisseurs éligibles agissant pour leur compte propre ». Or la STAK ne satisfait pas à cette condition. Le SDA estime donc que la SICAV institutionnelle envisagée ne pourra pas bénéficier du régime fiscal favorable pour les fonds d’investissement prévu à l’article 185bis du CIR.


PRÉCOMPTE MOBILIER - SOCIÉTÉ BELGE INDIRECTEMENT DÉTENUE PAR UNE SICAV-RAIF

Un fonds luxembourgeois, sous la forme d’une SICAV-RAIF, est entièrement financé par des capitaux provenant d’investisseurs institutionnels. 

Cette SICAV-RAIF est l’unique actionnaire d’une Sàrl luxembourgeoise. Cette société luxembourgeoise examine et décide de manière autonome des projets d’investissement et de désinvestissement basés sur des critères économiques et financiers.

La société luxembourgeoise a réalisé un investissement dans une société belge et a également accordé un prêt portant intérêt à cette société.

Le SDA refuse la possibilité pour la société belge de renoncer à la retenue du précompte mobilier sur les paiements d’intérêts et de dividendes effectués à la société luxembourgeoise au motif que : « Si la société belge effectuait directement des paiements d’intérêts et de dividendes à la SICAV-RAIF, une renonciation à la perception du précompte mobilier ne pourrait pas être invoquée. Compte tenu de la double structure présente au Luxembourg, dans laquelle une société luxembourgeoise (soumise à l’impôt des sociétés) est placée sous une SICAV-RAIF (soumise uniquement à la taxe d’abonnement), le SDA estime que – au vu des éléments de fait – la société belge ne peut pas renoncer à la retenue du précompte mobilier sur les intérêts et les dividendes payés à la société luxembourgeoise. »

Il est dommage que le rapport du SDA ne détaille pas sa position en droit. Il peut toutefois être supposé qu’il fasse ici application du concept de « bénéficiaire effectif » issu de la jurisprudence européenne. 


OPÉRATIONS DE FUSIONS-ACQUISITIONS ET  DE  RESTRUCTURATION – RIEN DE NEUF

Cette année, le rapport du SDA ne contient aucun commentaire relatif à cette matière. Nous renvoyons néanmoins au commentaire ci-dessus à propos du boni de rachat.


CENTRALISATION DE PARTICIPATIONS DANS UNE HOLDING PROPRE – LE SDA PRÔNE L’APPORT

Les opérations de restructuration patrimoniale impliquent bien souvent la centralisation de diverses participations importantes dans une ou plusieurs sociétés holdings. 

Le SDA estime que, lorsque la centralisation peut être effectuée par cession ou par apport des actions à la holding, le contribuable doit opter pour la voie de l’apport

Selon le SDA, une vente des actions à une holding dont le cédant détient les actions (réalisant une plus-value dite « interne ») ne constitue pas une opération de gestion normale du patrimoine privé, et entraine donc la taxation de la plus-values réalisée. 

L’apport, quant à lui, peut constituer une opération de gestion normale du patrimoine privé, ce qui permet d’exonérer la plus-value. Cette option présente toutefois un désavantage majeur : le capital libéré à l'occasion de l'échange de nouvelles actions émises par la société bénéficiaire de l'apport est égal à la valeur d'acquisition historique des actions apportées. Ainsi, l’apport crée du « mauvais capital » (qui ne peut pas être remboursé sans application du précompte mobilier) à concurrence de la plus-value réalisée par l’apporteur. 

La position du SDA est en ligne avec celle exprimée habituellement par le ministre des Finances. La prudence est donc de mise lorsque le choix entre les deux options est possible.


PLUS-VALUES SUR CRYPTO-MONNAIES – BEAUCOUP DE DEMANDES, PEU DE DÉCISIONS

Il y a plusieurs années, le SDA a publié un questionnaire type pour les demandes relatives aux plus-values sur crypto-monnaies. Ce questionnaire sert de base à l’analyse du SDA.

En 2023, le SDA a reçu 48 demandes de prefiling concernant les plus-values sur crypto-monnaies, visant à se voir confirmer la qualification de « gestion normale du patrimoine privé ». Seul 3 de ces dossiers ont abouti à une demande officielle de décision anticipée par le contribuable. 

Il convient d’en conclure que le SDA interprète strictement les critères identifiés dans son questionnaire type. 

S’agissant d’un des dossiers n’ayant pas été acceptés, le SDA a notamment estimé que des plus-values sur crypto-monnaies étaient imposables à titre de revenus divers « compte tenu du montant élevé qui a été investi dans les cryptomonnaies, ce dernier représentant de surcroît plus de la moitié du patrimoine mobilier du demandeur ». Il s’agit ici d’une illustration type de la position du SDA en la matière. La hauteur de l’investissement par rapport au patrimoine global du contribuable est en effet déterminante pour pouvoir évaluer si le contribuable s’est comporté en « bon père de famille », ou s’il a mis son patrimoine « à risque » au travers de l’investissement.


DROITS D’AUTEUR – FIN POUR LES PROGRAMMES D’ORDINATEUR

Le champ d’application du régime fiscal favorable en matière de droits d’auteur a été réduit par la loi-programme du 26 décembre 2022. L’article 17, §1, 5°, du CIR qui vise dorénavant les « œuvres littéraires ou artistiques originales visées à l'article XI.165 du Code de droit économique ou à des prestations d'artistes-interprètes ou exécutants visées à l'article XI.205 du même Code ».

Se basant sur les travaux préparatoires de la loi-programme, le SDA estime que les programmes d’ordinateur (en ce compris le matériel de conception préparatoire) qui, en vertu de l’art. XI.294, CDE, sont assimilés aux œuvres littéraires au sens de la Convention de Berne et sont protégés par le droit d’auteur, n’entrent pas dans le champ d’application du nouveau régime.


​                                Date: 15/07/2024


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La déductibilité fiscale appliquée aux options sur actions et aux warrants
Arrêt de la Cour d’appel d’Anvers du 17 septembre 2024