La résidence fiscale des couples mariés ou cohabitants légaux

La résidence fiscale des couples mariés ou cohabitants légaux


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Le 19 décembre 2023, le Service des décisions anticipées (ci-après le « SDA ») a rendu une décision anticipée particulièrement intéressante à propos de la résidence fiscale d’un couple de personnes mariées dans un contexte franco-belge (Décision n°2023.0887) .

Que retenir de cette décision anticipée ?

  • La résidence fiscale est déterminée, en droit interne belge, sur la base du domicile ou du siège de la fortune ;
  • Le droit interne belge localise prioritairement la résidence fiscale à l’endroit où est situé le domicile de la personne physique. Pour les couples mariés ou cohabitants légaux, le domicile fiscal est situé à l’endroit où est établi le ménage (i.e. détermination du domicile de manière conjointe) ;
  • Si une personne physique n’a pas établi son domicile en Belgique, elle peut quand même être considérée comme un résident fiscal de la Belgique si le siège de sa fortune est établi en Belgique;
  • Pour les couples mariés ou cohabitants légaux, le siège de la fortune doit être déterminé sur une base individuelle et non pas conjointement, à tout le moins si le régime matrimonial du couple le permet ;
  • Il est donc possible qu’à l’impôt sur les revenus, les membres d’un couple marié ou cohabitant légal, ayant leur ménage et, partant, leur domicile établis à l’étranger, aient chacun une résidence fiscale distincte – l’un en Belgique, l’autre à l’étranger – sur la base de la notion de siège de la fortune ;
  • Selon nous, un raisonnement similaire pourrait être appliqué en matière de droits de succession.
1. RAPPEL DES PRINCIPES

Dans un contexte international, la résidence fiscale belge d’une personne physique en matière d’impôt sur les revenus est évaluée à deux niveaux : 

  • au niveau national, sur la base des critères de la législation fiscale belge ; et,
  • au niveau international, sur la base des critères de la convention bilatérale préventive de la double imposition éventuellement applicable.


1.1. Législation fiscale belge 

Une personne physique est considérée comme un résident fiscal de la Belgique (i.e. habitant du Royaume) si son domicile est établi en Belgique, et si elle n’a pas de domicile en Belgique, lorsque le siège de sa fortune y est établi. 

​Le domicile au sens fiscal est le lieu où une personne physique réside de manière effective et continue, en d'autres termes là où elle vit et travaille. La détermination du domicile fiscal est une question de fait, indépendante de celle de la nationalité, ou du domicile civil ou administratif.


En matière de domicile, la législation fiscale belge instaure deux présomptions légales :

- premièrement, les personnes physiques inscrites au registre national des personnes physiques sont présumées, sauf preuve contraire, avoir établi leur domicile fiscal en Belgique.

- deuxièmement, le domicile fiscal des couples mariés ou cohabitants légaux est présumé être situé de manière irréfragable à l’endroit où est établi le ménage, à savoir le centre de la vie familiale ou des intérêts familiaux, l’endroit où sont établis le conjoint et les enfants (habitation familiale).


Il résulte de cette deuxième présomption que, pour les couples mariés ou cohabitants légaux, le domicile fiscal se situe à l’endroit où est établi le ménage. Il s’en suit qu’au regard de la notion de domicile, les personnes mariées ou cohabitants légaux sont soit toutes deux des résidents fiscaux de la Belgique, soit toutes deux des non-résidents fiscaux de la Belgique, en fonction de l’endroit où est établi leur ménage.


Le siège de la fortune est l’endroit caractérisé naturellement par une certaine unité, d’où la fortune est gérée. Il ne s’agit pas du lieu où sont situés les biens qui constituent la fortune du contribuable, mais le lieu où le propriétaire, qui les administre ou en contrôle la gestion, a le siège de ses affaires, de ses intérêts patrimoniaux ou de ses occupations.


1.2. Législation fiscale internationale

Les conventions préventives de la double imposition règlent notamment les conflits de résidence résultant de la législation fiscale interne des Etats liés par la convention, en formulant une série de critères en cascade. 


Le SDA rappelle que la détermination de la résidence fiscale au regard de la convention conclue entre la Belgique et la France s’effectue sur une base individuelle. Le mariage n’a donc pas pour conséquence de localiser forcément la résidence fiscale des membres d’un couple marié dans le même Etat.


Selon nous, cet enseignement vaut également pour les conventions préventives de la double imposition suivant le modèle de Convention de l’OCDE.


2. DECISION ANTICIPEE N°2023.0887

2.1. Les faits

Monsieur X et Madame Y sont mariés sous le régime de la séparation des biens et ont plusieurs enfants.


Alors qu’ils étaient tous deux résidents fiscaux de la Belgique depuis plusieurs années, ils ont décidé de s’installer principalement en France, où l’essentiel de leur vie familiale sera déployé.


2.2. ​La décision

Compte tenu de la présomption irréfragable afférente au ménage, le SDA reconnait que le domicile fiscal de Monsieur X et de Madame Y est situé en France.


Cependant, le SDA rappelle que le critère du siège de la fortune doit être apprécié sur une base individuelle. En raison notamment du régime matrimonial de la séparation des biens, Madame Y est considérée conserver sa résidence fiscale en Belgique, compte tenu des éléments suivants :

  • elle possède un patrimoine important, dont la structure de détention et d’organisation est entièrement belge et située en Belgique ;
  • elle est membre du conseil d’administration des sociétés dans lesquelles elle détient des participations importantes, expliquant une présence régulière en Belgique ;
  • elle conserve une demeure en Belgique où elle y passe trois à quatre jours toutes les deux semaines ;
  • elle conserve des liens familiaux et sociaux en Belgique.


Le SDA considère que cette conclusion n’est pas infirmée par la convention fiscale conclue entre la Belgique et la France, en raison du fait que celle-ci attache moins d’importance à l’effet d’attraction que le droit interne belge attribue au lieu de séjour de l’ensemble de la famille. Par ailleurs, le SDA rappelle qu’un rescrit fiscal a été obtenu auprès de l’administration fiscale française concernant le maintien de la résidence fiscale personnelle de Madame Y en Belgique.

   

3.COMMENTAIRES


L’apport majeur de la décision anticipée commentée est de confirmer que la présomption irréfragable afférente au ménage et applicable aux couples mariés ou cohabitants légaux ne produit d’effets qu’au regard de la notion de domicile ; cette présomption irréfragable ne produit pas d’effets à l’égard de la notion (subsidiaire) de siège de la fortune.


Il est donc envisageable qu’au regard du droit interne belge régissant l’impôt sur les revenus, les membres d’un couple marié ou cohabitant légal, ayant leur ménage et, partant, leur domicile établis à l’étranger, aient chacun une résidence fiscale distincte – l’un en Belgique, l’autre à l’étranger – sur la base de la notion de siège de la fortune.


Dans la pratique, ces cas de résidence fiscale distincte au sein de couples mariés ou cohabitants légaux seront rares, compte tenu de l’existence des conventions préventives de la double imposition conclues par la Belgique. Il est vrai qu’au regard de ces conventions, la résidence fiscale doit être déterminée sur une base individuelle, même pour les couples mariés ou cohabitants légaux (pouvant conduire à des situations d’éclatement fiscal de la résidence du couple). Cependant, les intérêts familiaux et les intérêts patrimoniaux de la plupart des couples se confondront et se localiseront dans la pratique au même endroit ; la résidence fiscale conventionnelle de la plupart des membres d’un couple marié ou cohabitant légal se situera, dès lors, dans le même Etat. La situation de Monsieur X et de Madame Y est particulière : l’importance de la situation patrimoniale de Madame Y a pesé davantage que les éléments liés à sa vie de famille, si bien que la résidence fiscale déterminée individuellement pour chacun des membres du  couple quant au critère subsidiaire du siège de la fortune peut être localisée dans deux Etats différents. 


L’enseignement de la décision commentée nous semble également utile dans cette autre branche du droit fiscal qu’est la matière relative aux droits de succession :


  • la matière relative aux droits de succession utilise comme critères de localisation de la résidence fiscale du défunt tant le domicile que le siège de la fortune. Or, les réalités matérielles que recouvrent ces notions sont identiques à celles propres à l’impôt sur les revenus (même si les présomptions légales existant à cet impôt n’existent pas en droits de succession). Le siège de la fortune des membres d’un couple marié ou cohabitant légal doit, en droits de succession, être apprécié sur une base individuelle dans le chef de chaque conjoint, à tout le moins si le régime matrimonial du couple et sa situation patrimoniale le permettent.


  • les critères de domicile et de siège de la fortune sont, en droits de succession, des critères de localisation alternatifs. Dès lors, l’administration fiscale pourrait, en cette matière, prendre en considération le siège de la fortune comme critère unique et principal chaque fois que le centre des affaires et des activités professionnelles du défunt n’est pas situé, au moment de son décès, au même endroit que le centre de sa vie familiale. Or, en matière de droits de succession, la Belgique n’est liée par une convention préventive de la double imposition qu’à l’égard de la France et de la Suède. Les éventuels conflits de résidence faisant intervenir d’autres Etats ne seront pas résolus sur la base d’un instrument conventionnel, augmentant le risque d’une double résidence.











​                                Date: 11/07/2024


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