La US LLC et le US LP sous les crocs de la taxe Caïman…


 Taxe Caïman

          La US LLC et le US LP sous les crocs de la taxe Caïman…  

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Les investissements réalisés au Etats-Unis (qu’il s’agisse de private equity, immobilier, start-ups, etc.) sont régulièrement structurés via l’interposition d’une Limited Liability Company (« LLC ») ou d’un Limited Partnership (« LP »). Suite à la modification législative de la « taxe Caïman » intervenue fin 2023, cette structuration peut générer des problèmes fiscaux aux investisseurs personnes physiques résidents belges qui détiennent directement ou indirectement un tel investissement. 

LA TAXE CAIMAN

La « taxe Caïman », instaurée en 2015, vise à lutter contre l’évasion fiscale en imposant en « transparence » les revenus générés par des avoirs logés dans des structures peu ou pas taxées, lesquelles sont qualifiées de « constructions juridiques ». Initialement, la taxe Caïman avait pour but de lutter contre l’évasion fiscale réalisée par des constructions « offshore » surtout établies dans des paradis fiscaux. Le champ d’application s’est rapidement élargi.

La loi du 22 décembre 2023 a apporté une série de modifications que nous avions présentées ici, susceptibles d’influencer le traitement fiscal belge applicable aux revenus d’entités hybrides comme la plupart des LLC et LP. 


US LLC ET LP     

Les caractéristiques de la LLC varient selon la législation de l’Etat américain dont elle relève (le plus fréquemment l’Etat du Delaware).

  

Souvent, à l’instar du Delaware, les US LLC sont dotées d’une personnalité juridique propre. 

Sur le plan fiscal américain, la LLC est libre de choisir son traitement fiscal selon le régime "check-the-box". Elle peut ainsi choisir d’être soumise à l’impôt des sociétés ou choisir d’être transparente sur le plan fiscal américain. Dans ce dernier cas, la LLC n’est pas considérée comme un sujet fiscal, l’actionnaire est alors imposé sur les revenus de la LLC au prorata de sa participation dans le capital de la LLC. Sur le plan de la technique fiscale belge, la LLC qualifiera de « société hybride ».

Certains LP, en fonction de leur Etat de constitution, présentent des caractéristiques identiques à celles des LLC décrites ci-avant, et qualifient donc de société hybride du point de vue fiscal belge. Par facilité nous ferons uniquement référence aux LLC pour la suite de la présente mais les LP peuvent être visés également.


LA LLC EST-ELLE VISÉE PAR LA TAXE CAÏMAN ?

Une LLC hybride est susceptible d’être qualifiée de construction juridique du fait qu’elle est dotée de la personnalité juridique et qu’elle n’est pas soumise à un impôt sur les revenus aux Etats-Unis. Par contre, si la LLC est soumise à l’impôt ordinaire aux Etats-Unis, celle-ci ne sera pas visée.


RÉGIME ANTÉRIEUR

L’imposition en transparence des revenus de ces LLC au niveau des fondateurs menait dans certains cas à une exonération. En effet, lorsque la LLC réalisait une plus-value sur une participation dans une société cotée américaine, ou une plus-value sur un immeuble sis aux Etats-Unis par exemple, les revenus imposables en transparence entre les mains du ou des fondateurs belge(s), ne menaient à aucun impôt effectif car les revenus étaient exonérés soit en application du droit interne belge soit en application d’une convention préventive de la double imposition. 

Les distributions subséquentes par ces LLC ne menaient en principe à aucun impôt complémentaire, les revenus ayant déjà subi leur régime fiscal belge en transparence au niveau des fondateurs belges.


MODIFICATIONS APPORTÉES À LA TAXE CAÏMAN LE 22 DÉCEMBRE 2023

La loi du 22 décembre 2023 est venue préciser qu’en l’absence d’un impôt effectif supporté en transparence par le(s) fondateur(s) belge(s), toute attribution – autre que le capital apporté – provenant d’une construction juridique est en principe imposable en Belgique en tant que dividende, par application du droit interne belge. 

  • Dans le cas des LLC qui servent de « pool » d’investissement pour des investisseurs non-américains, afin d’entrer au capital de sociétés opérationnelles américaines :
    • Qualifieront désormais de dividendes les plus-values sur actions redistribuées, alors qu’elles ont été exonérées au niveau du fondateur belge en application de la transparence fiscale (car réalisées dans le cadre de la gestion normale du patrimoine privé) ;
  • Dans le cas des LLC qui détiennent de l’immobilier aux Etats-Unis :
    • Qualifieront désormais de dividendes les revenus de loyers et les plus-values sur immeubles redistribués, alors qu’ils ont été exonérés au niveau du fondateur belge en application de la transparence fiscale, sur la base de la convention préventive de la double imposition belgo-américaine.

Une exit tax a également été instaurée, prévoyant notamment que le transfert des droits détenus dans une construction juridique ou encore le déménagement du fondateur belge à l’étranger, entrainent l’exigibilité immédiate de l’impôt sur les bénéfices non distribués de la construction juridique. Ceci est susceptible de viser tant les constructions juridiques détenues directement que celles détenues indirectement.


Ceci étant, le législateur a prévu plusieurs exceptions à la taxe Caïman, notamment lorsque la construction juridique est un véhicule d’investissement. Le champ d’application de cette exception a été étendu par la loi du 22 décembre 2023 pour couvrir dorénavant tous les OPCA (qu’ils soient publics, institutionnels, ou privés).


ENJEUX LIÉS À L’APPLICATION DE LA TAXE CAÏMAN AUX LLC ET LP

Si la US LLC ou le LP doit être qualifié de construction juridique, ceci implique que :

  • Cette construction juridique doit être mentionnée spécifiquement dans la déclaration à l’impôt des personnes physique (l’absence de déclaration étant sanctionné par une amende de 6.250 € par construction juridique et par année de non-déclaration) ;
  • Si la construction juridique détient des actifs immobiliers, ceux-ci pourraient devoir être déclarés à l’administration fiscale belge en vue de se voir attribuer un revenu cadastral ;
  • Les revenus perçus par la construction juridique devront être déclarés en transparence par les fondateurs belges. Il conviendra ensuite de voir dans quelle mesure une exonération telle que stipulée par la convention fiscale belgo-américaine pourra être appliquée à ces revenus de source américaine (principalement pour les revenus immobiliers ou les revenus découlant d’une activité liée à un établissement américain) ;
  • Toute distribution par la construction juridique est traitée comme un dividende à concurrence des sommes qui excèdent le patrimoine apporté par le fondateur. Ce dividende sera imposable en Belgique, sauf si le fondateur peut démontrer que les revenus distribués ont déjà été imposés en transparence au niveau des fondateurs belges, ou si la convention fiscale belgo-américaine empêche la Belgique d’exercer son pouvoir d’imposition ;
  • En cas de déménagement à l’étranger ou de cession des parts à un cessionnaire hors de Belgique, une exit tax s’applique à concurrence des réserves non distribuées de la construction juridique ;
  • L’administration fiscale bénéficie d’un délai de prescription exceptionnel de 10 ans pour contrôler et imposer le fondateur belge.

COMMENTAIRES

L’interposition d’une LLC (ou LP) n’offre pas d’avantage fiscal américain aux investisseurs belges en comparaison avec une détention directe des actifs sous-jacents de la LLC (ou LP). Il s’agit souvent d’une structure de détention standard aux USA. Venir sanctionner ces investissements en Belgique en imposant (encore) plus durement les revenus perçus par une telle structure est problématique (la question de la constitutionnalité de la taxe Caïman méritant d’être posée).

En pratique, la question de savoir si la LLC est susceptible de bénéficier de l’exception prévue en faveur des organismes de placement collectif alternatifs (« OPCA ») sera dans plusieurs situations la clé. Une prise de position au regard de chaque investissement devra être réalisée pour tenter d’y répondre. 

Enfin, la convention préventive de la double imposition belgo-américaine permet également, dans certains cas, de bénéficier d’une exonération conventionnelle du produit de distribution reçu de la LLC (ici aussi moyennant analyse à réaliser).


​                                Date: 10/04/2024


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